mardi 31 juillet 2007

Piste 02 : "Lost Someone" par James Brown

Je ne crois pas en Dieu. J’aime à penser que je suis le seul maître de mon destin, et l’existence d’un type ayant une emprise totale sur ma vie, ça, je ne peux pas le supporter. Et, dans un sens, je trouve ça dommage. Parce que croire en une entité supérieure, ça doit être réconfortant dans certains moments. Parce qu’accéder à une certaine forme de plénitude spirituelle, chose à laquelle nous aspirons tous forcément, semble être plus accessible lorsqu’on croit en quelque chose, en quelqu’un. Parce que je suis torturé par des questions pour lesquelles je n’entrevois aucun début de réponses satisfaisantes.

La vie est dure pour tout le monde, croyants ou non-croyants, j’en suis persuadé. Pourtant, j’ai le sentiment très vivace que mon salut se trouve dans la religion. Simplement, je ne crois pas être prêt pour ça. Pas encore. J’aurais l’impression d’être un usurpateur, un opportuniste en quelque sorte, si je décidais au jour d’aujourd’hui d’avoir mon Dieu : j’ai trop de respect pour la croyance religieuse pour m’y rabattre simplement parce que j’ai le mal de vivre. Ce serait salaud et malhonnête, je trouve. Croire en un Dieu devrait être, à mon sens, quelque chose de pure, de totalement désintéressé. En acceptant de faire entrer la religion dans sa vie, on ne devrait pas espérer qu’elle nous apporte des réponses et du réconfort, mais en avoir la certitude inébranlable. Et je n’en suis pas là. Mais j’y crois, et je sais que ça me viendra un jour ou l’autre.


Etre athée m’a amené à voir dans certaines chansons de pop-music la preuve de l’existence du divin. Je m’explique : pour moi, la qualité d’une chanson dépend en grande partie de deux facteurs, qui sont la grâce et le génie. On aura beau être un virtuose du piano, ou savoir jouer de la guitare avec ses orteils, la réalité est qu’il est plus qu’ardu de produire quelque chose de beau lorsque vous n’avez été à aucun moment touché par au moins un de ces deux facteurs pendant le processus de création. C’est injuste mais c’est comme ça. Avec eux, la musique atteint des sommets d’absolu et de perfection presque irréels, où l’œuvre parvient à exprimer les moindres nuances de l’âme de son créateur. Et je crois sincèrement que ces moments-là nous permettent, à nous les non-croyants, de L’entrapercevoir… Oui, Dieu. Me regardez pas comme ça.

Ecouter de la pop-music s’assimile donc quelquefois à une expérience spirituelle. Pas tout le temps : je ne considère pas tous les artistes comme des messagers de Dieu. Quand même pas. J’ai beaucoup apprécié l’album de Lily Allen, mais ce n’est pas pour autant que je vois en "Smile" un chapitre de l’évangile de Sainte-Lily… Mais prenez l’album live de James Brown à l’Apollo Theater de 1963. Je l’écoute sans arrêt ces derniers temps, surtout la plage centrale, celle de 11 minutes. "Lost Someone" s’appelle-t-elle. Hé bien sur "Lost Someone", croyez-moi, on L’entend. Vous savez Qui. Sinon, comment peut-il être possible qu’un homme parvienne à exprimer ce qui m’a toujours semblé être inexprimable, c’est-à-dire la souffrance d’une âme meurtrie ? Beaucoup ont essayé, certains parvenant à des résultats plus qu’honorables, c’est vrai. Mais là… La justesse émotionnelle de son interprétation atteint un degré de vérité tel que le doute n’est pas permis. James Brown était un être unique parce que James Brown a été à un moment de son existence porteur de la parole de Dieu.