lundi 26 novembre 2007

Piste 15 : "Get Me Away From Here, I'm Dying" par Belle and Sebastian


On venait de sortir du ciné. J’étais content, parce que c’était la première fois que je réussis à lui faire regarder un film dont le protagoniste principal ne possédait ni talent insoupçonné pour la danse, ni aptitude à communiquer avec des fantômes gays. Une belle avancée, en somme. Nous nous étions posés dans un café, à faire le débriefing post-visionnage, avec moi débitant des idioties faussement érudites sur une des scènes clés du film.
'Et puis tu vois le gosse, il est complètement paumé, alors il va au musée pour se remémorer l’innocence perdue de son enfance, tu vois ?'
'Mouais… Ca m’a plutôt fait penser à cette chanson de Belle and Sebastian, une de l’album avec la pochette rouge. Merde, je me souviens plus du titre, par contre…'
'Attends, tu connais ce groupe ?'
'Ben oui. Pourquoi ?'
'Non, non, rien.'
'Bah si, quoi ?'
'Non, mais c’est juste que je ne pensais pas que tu connaissais ce groupe, c’est tout.'
'Faut croire que tu pensais mal alors. Je connais Belle and Sebastian, j’aime Belle and Sebastian, et…'
'D’accord, d’accord. Te fâche pas pour ça.'
'Je ne me fâche pas.'
Elle disait ça, mais je voyais bien que je l’avais mise en rogne. Elle avait croisé bras et jambes, et balançait nerveusement son pied gauche d’avant en arrière. Elle faisait toujours ça quand quelque chose la contrariait. J’ai le chic pour énerver mes amies. Un vrai don du ciel.

J’ai été très surpris de l’entendre évoquer Belle and Sebastian, c’est vrai. Faut dire que vous la connaissez pas, Margot. Une fille vraiment épatante. C’est le genre de personne parfaitement capable de passer de propos aberrants d’ineptie et de stupidité à une analyse des choses de la vie déconcertante de lucidité et de finesse, tout ça en un rien de temps. Une vraie Houdini de la conversation. Et puis elle avait un sens fabuleux de la répartie. Bon, sarkozyste par contre. Et un brin raciste. Et un peu homophobe aussi. Mais sinon, une chic fille, je vous jure. Enfin bref, ça m’a étonné parce que, côté musique, Margot, c’était pas vraiment ça : la dernière chanson qu’elle m’a envoyé, c’était un truc inaudible, qui "cartonne grave au Mix" apparemment.

Surpris donc. Pas tant finalement par le fait qu’elle connaissait Belle and Sebastian, mais plus parce qu’elle faisait référence à If You’re Feeling Sinister, disque figurant dans tous mes tops 5 d’albums préférés de tous les temps que j’ai pu me faire depuis 4-5 ans. C’est difficile de parler des choses que l’on adore au-delà de la raison : demandez-moi de monologuer pendant des heures sur Paul et Virginie, les sketchs de Jean-Marie Bigard, ou encore sur l’album de The View (pff, the View…), je le fais les doigts dans le nez ; en revanche, la même chose avec Before Sunset ou Franny and Zooey… Qu’est-ce que je peux dire sur "Like Dylan in the Movies", "Fox in the Snow" ou "Get Me Away From Here, I’m Dying" ? Pas grand-chose, si ce n’est que je les aime énormément, que sans elles la vie serait vraiment moins belle, que n’avoir jamais entendu le chant d’une pureté indécente de Stuart Murdoch est une offense à la pop-music, que cela me fend véritablement le cœur lorsque des amis me disent qu’ils trouvent l’album "pas mal", et que je suis heureux de partager cet amour dévorant avec la fille qui m’a un jour sauvé de la noyade.

Je me suis souvenu aujourd’hui de cette conversation que l’on a eue. Ca m’a fait sourire et, pendant quelques secondes, j’ai oublié que j’avais froid.