vendredi 24 août 2007

Piste 08 : "Wonderwall" par Oasis

Ma position sur Stevie Wonder est arrêtée. Je ne l’aime pas. Sa musique, j’entends. Ou plutôt non, je ne l’entends pas justement. Elle me laisse froid comme la mort. Pourtant, j’ai essayé : j’ai écouté religieusement ses chef-d’œuvres, Innervisions et Songs in the Key of Life. Rien. Il s’en va sans dire que le pauvre Stevie n’y est pour rien : c’est un mélodiste génialissime, doté d’une voix miraculeuse. C’est un fait. Et chacune de ses compositions sont des puits d’inventivité et d’élégance. Je le sais, tout ça. Des classiques instantanés… Mon problème est qu’il sera pour l’éternité celui qui a posé les fondations de ce genre ""musical"", cette chose infâme et haïssable qu’est le R’n’B. Et il est, bien évidemment, absolument HORS DE QUESTION que je lui pardonne une telle chose.

Franchi un certain palier, les termes de "préférence" ou de "goût", lorsqu’ils sont appliqués à la pop-music, ne peuvent plus être tolérés. Lorsqu’une merde sonne comme de la merde, il est absolument insensé que l’on ne puisse pas dire quelque chose comme "Mais enfin, pensez donc à vos mères !" sans être taxé immédiatement d’élitisme ou de sectarisme… Premièrement, l’argument de l’élitisme ne peut pas tenir face à des numéros comme Calogero ou Sinik ; quand au sectarisme… Je suis navré, mais celui qui osera m’affirmer que "Papa Pingouin" est de la musique devra être un champion de course à pied pour échapper à une mort soudaine.


La pop-music est pour moi une affaire des plus sérieuses. Si certains ont pour héros Balzac, Mahler ou Ingres, les miens se nomment Bolan, Spector ou Jobim. Ma passion pour la pop ne peut pas être réduite à une simple passade adolescente, un innocent petit passe-temps, vite oublié aussitôt que l’âge adulte pointera son groin : elle fait partie intégrante de mon existence. La supprimer de ma vie reviendrait à m’extraire la moitié de mon cerveau. Sans rire. Mon amour pour les mélodies parfaites et les voix renversantes s’est révélé à moi vers l’âge de 12 ans si je me souviens bien, devant M6, lorsque passa le clip de "Wonderwall". A cette époque, ma culture musicale était aussi développée qu’une écoute assidue de NRJ et de Fun Radio pouvait le permettre ; de là, vous imaginez donc aisément le choc émotionnel, sensoriel et peut-être même psychologique, qu’a pu être la découverte des premières mesures de "Wonderwall" pour le gosse que j’étais. C’est aussi lors de cette douzième année que je me suis juré de ne jamais – jamais – tomber dans le cliché ; philosophie de vie que j’observe d’ailleurs toujours avec la même intransigeance.

Je ne sais pas si cette fuite permanente du kitsch m’a déjà desservie et je ne sais pas non plus s’il y a encore sens à la respecter. J’ignore également si cette rigueur, dont je tirais une si grande fierté, n’est finalement pas la plus solide et infranchissable muraille que j’ai pu élever entre les autres et moi. En clair : je me sens seul. Ce qui aurait été assez gênant si je n’étais pas de nature solitaire et si je n’avais développé au fil des ans un flamboyant sens du mépris et de la fatalité, avec une nuance de misanthropie. Je sais en revanche que je ne veux pas mourir, et la vie est toujours aussi séduisante, même après la 17e année : je ne suis pas dépressif, ou aigri, ou en colère contre le Destin ou Dieu… Je fais pas dans ces conneries. Je profite de tout, sachant que je finirai tôt ou tard par m’en lasser. Enfin, il y a quand même 2-3 trucs qui survivent à mes désillusions : les amis, les bouquins, le cinoche, le foot, la bière… Et puis la musique. Encore et toujours. En attendant… En attendant la prochaine fois que je foutrais en l’air une super relation juste histoire d'observer à quel point je peux faire souffrir quelqu’un… En attendant la naissance d’une passion qui se refroidira à l’instant où je commencerais à y consacrer de l’effort et du temps… En attendant toutes ces nouvelles connaissances que je me ferais un plaisir de jeter aux WC dès lors que je m’apercevrai qu’il ou elle est un cliché ambulant… En attendant tout ça… rock’n’roll.