vendredi 17 août 2007

Piste 07 : "Jesus Walks" par Kanye West

Je me considère comme étant un amateur de pop-music relativement bien averti. Je veux dire par là que je dispose, me semble-t-il, d’un savoir assez pointu sur la production musicale des 50 dernières années. Bon ok, je suis parfaitement conscient que primo, c’est vraiment très vantard de ma part de dire ça, et que deuzio, il y a certainement des personnes beaucoup plus érudits que moi sur la question. Il faut aussi admettre qu’une telle culture ne peut être qu’en de très rares occasions serviables : épater son petit monde le temps d’une discussion sur le dernier album de tel ou telle artiste, faire découvrir des compo' lacrymales à la fille que vous aimeriez emmener au ciné le samedi qui vient, ou encore pour briller lors de blind-tests entre amis… Autrement, vous pouvez en être certain, être un crack sur le rock, le folk, la soul, les girls bands des 60’s, le krautrock, l’electro, le rap, l’acid-house, la new-wave, la no-wave, la cold-wave et toutes les waves que vous voudrez, cela ne vous rendra pas grand service.

Cela n’empêche que j’en tire malgré tout de la satisfaction et, je dois le dire, une certaine fierté. Parce que, en dépit de ce que certains peuvent croire, la pop-music ne peut pas se réduire à des jolies vignettes sonores additionnées à des voix pas dégueulasses, avec, si possible, une belle poitrine ou une gueule d’ange en prime. La musique pop est un univers riche et vaste, extrêmement ardu à dompter, et peut-être aussi complet et éclectique que ce que la littérature, la peinture, la sculpture, ou un des autres arts dit nobles (musique classique compris) peuvent offrir. Il est évident qu’elle ne recèle pas que de fleurs au parfum délectable : aussi, si elle comprend David Bowie, Sonic Youth et Neil Young en son sein, elle est également le refuge des Backstreet Boys, Johnny Hallyday et autres K-Maro. On ne choisit pas sa famille.


"S’il y a bien un domaine culturel dans lequel il serait logique d’être réactionnaire, c’est bien le nôtre !" me disait il y a quelque mois un ami, qui se lamentait de la piètre qualité des enregistrements musicaux des dernières années ; il s’en va sans dire que c’est d’une prodigieuse et lamentable connerie. L’inventivité et le génie musicaux ne sont pas morts avec les années 70, comme certains en semblent convaincus : une simple écoute de "Tonight We Fly" ou de "Get Ur Freak On" les ferait très sûrement sangloter à chaudes larmes. D’autres, plus malins, déclareront que, certes, il se fait encore de bons morceaux, voire même quelques albums de facture honorable, mais qui ne tiennent absolument pas la comparaison avec "God Only Knows" et Electric Ladyland : c’est tout aussi crétin, mais donne généralement beaucoup de fils à retordre aux quelques optimistes qui reste. Personnellement, j’ai découvert une arme fatale, capable de laisser bouche bée les plus rigoristes d’entre eux. Son nom est West. Kanye West.

Bien sûr les anti-raps pourront rétorquer que le rap, c’est de la merde, mais se mettent automatiquement hors-jeu en proférant une imbécillité aussi énorme, et se propulsant de facto dans la catégorie des personnes de non-goût. Late Registration et The College Dropout sont des chef-d’œuvres intouchables, point. Dégoulinants de classe, de groove, de créativité et de maîtrise, ces deux joyaux de rap sont pour moi des manifestes magnifiques que, non, la pop n’est pas morte, et que, oui, Kanye est un Dieu. Et, accessoirement, deux magistraux taquets à la face de ces snobinards adorateurs de Jim Morrison.

Bon, voilà, hormis cette dernière chose, c’est-à-dire "humilier ceux qui croient avoir meilleur goût que vous", avoir une connaissance savante de pop-music ne sert à… Mais qu’est-ce que je dis ? N’importe quoi. La pop-music, c’est tout. Point. Et ceux qui disent le contraire peuvent aller se faire foutre.