dimanche 8 juin 2008

Piste 23 : "The Sunshine Underground" par les Chemical Brothers


Jamais, ô grand jamais, les néons des Frères chimiques n’ont été aussi scintillants que ce soir, et me voilà à nouveau dans le souterrain ensoleillé, arrière-plan sonique et sénescent d’une adolescence traversée dans la dissolution, liquidée dans l’oubli de soi, évaporée dans le rien le plus sublime et le plus irradiant qui soit,

Oui, mes années fauves sont une transcription organique de la musique, mes sens se muent en mélodies, mes démences passagères en refrains, en illuminateurs de mes rêves, en hilares et mesquins spectateurs de mes chutes,

Par elle les aurores et les crépuscules se chevauchent et se succèdent à une vitesse irréelle, les pilules et les filles aussi, rien ne me résiste, j’ai 18 ans et des poussières, l’éternité est mon milieu naturel, la dépravation mon pain quotidien,

Alors allez vous faire voir, tous autant que vous êtes, moi je crèverai vite mais alors je vivrai fort, parce que la sagesse et la raison ne sont de toute façon peuplées que par des vieux cons, alors l’âge adulte, il m’aura pas, je connais la combine, ses techniques d’escroc il peut se les carrer où je pense,

Et puis de toute manière la nuit m’appartient, elle et son vacarme fabuleux, ses cuivres explosifs, ses cordes ruisselantes, son harmonie en forme de bouche, ses yeux au goût si exquis de transgression, et toute cette sensualité vibrante et insoutenable qui en ferait perdre la tête au plus pieux d’entre les pieux je l’avale d’un trait, délicieuse et enivrante qu’elle est, la scandaleuse,

Elle a le goût d’un "je-m’en-fous", comme à chaque fois qu’elle s’est présentée à mon corps peu défendant, parce que je ne suis pas quelqu’un de difficile, vraiment pas, elle s’offre à moi, je l’honore donc comme il se doit, rien de plus normal, rien de plus humain,

Rien de bien extraordinaire dans le tumulte des ténèbres, dans l’océan de solitude des interminables épopées nocturnes, où l’on se noie plus d’une fois mais toujours sans conséquence et avec style, parce que la nuit ne tolère pas les lâches et chasse à grands coups de pied dans le cul ces mécréants suintant le bonheur bête et facile, acquis sans jamais avoir été gagné,

Ouste, ouste à ces gens-là, on n’en veut pas des puants, on n’en veut pas des imbéciles heureux, nous on veut les autres, ceux qui en veulent à Nick Drake et à Morrissey et à Al Green pour avoir écrit des chansons qui les font chialer comme des saules pleureurs, ceux qui pensent que le lendemain n’est qu’une histoire à dormir debout avec laquelle on épouvante les couards de ce monde, ceux qui boivent parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire – juste histoire de boire –, ceux qui passent sans cesse du rire aux larmes parce que c’est bien plus drôle comme ça, et puis ceux surtout qui n’ont pas oublié qu’ils ont été mômes avant de devenir dégoûtants et amoraux, ceux-là mêmes qui défendront que le jour n’est qu’une trêve entre deux nuits, et pas l’inverse.