dimanche 30 septembre 2007

Piste 13 : "You're Gonna Make Me Lonesome When You Go" par Ben Watt

L’autre jour, dans le métro, j’ai vu une femme se fracasser la tête contre un mur. En sortant du wagon, elle a trébuché. Elle portait une robe, elle a dû se prendre les pieds dedans. Et puis, faut dire qu’elle portait quantités de sacs. Et puis, quand même, se manger en sortant du métro, il faut un zeste de volonté dans tout ça… Bon, en temps normal, ça m’aurait fait bien rire. Mais là, non. Du tout. Parce qu’il faut dire aussi qu’en se cognant aussi violemment, la pauvre dame a perdu conscience. Et une autre dame est allée lui porter secours. On devait être une cinquantaine à l’avoir vue tomber et s’évanouir. Et juste une seule pour l’aider. Ouah. Moi, j’ai regardé, comme tous les autres. Je m’étais installé dans le train que j’avais attendu patiemment pendant 6 minutes, j’allais pas en sortir simplement pour voir si une inconnue était morte ou pas. Franchement.


Mon MP3, lui, a rendu l’âme. Pour sûr. Veut plus m’envoyer de musique n’importe où n’importe quand dans les oreilles. Ca m’embête beaucoup. Parce que dans ces cas-là, on en vient à être réduit à écouter sa musique dans sa tête. Et c’est problématique dès lors que vous aimez un tant soit peu la musique. "What came first, the music or the misery? […] Did I listen to pop music because I was miserable? Or was I miserable because I listened to pop music?". Exemple, et vous allez tout de suite comprendre. Récemment, j’ai découvert cette version éblouissante d’une chanson du Blood on the Tracks de Dylan par un dénommé Ben Watt. J’aimais déjà l’original, mais ici, ce Ben Watt lui apporte, je trouve, une dimension émotionnelle encore plus puissante. Ce qui m’a d’abord enthousiasmé dans cette reprise, ce sont les arrangements, très bossa-nova, suaves et détendus, ainsi que la jolie voix aiguë du bougre. Mais depuis la cessation de pouvoir de mon baladeur numérique, c’est surtout son interprétation du texte de Dylan qui a fini pour me bouleverser complètement. La finesse d’écriture de ce vieux Bobby, qui nous relate dans cette chanson la fin programmée d’une relation amoureuse, est ici transcendée par ce chant empli de mélancolie et de douceur, offrant à ce texte toute l’amplitude émotionnelle qu’il mérite. Et si vous vous chantonnez cette chanson mentalement une bonne vingtaine de fois par jour, vous prendrez conscience de la force de ce texte, beau à pleurer. J’ai testé pour vous.

Et puis il y a les cours de philo. Ca aussi, c’est bien vicieux. Il s’y dit des choses intéressantes, mais de manières très ponctuelles et disparates dans le temps, à telle point que, si on les rate, on pourrait compter ces heures comme perdues. Sauf que. Sauf que la philosophie me fait trop réfléchir. Et atteint un certain niveau de fatigue, certaines vérités pas jolies jolies se révèlent à vous. J’ai réalisé notamment que la vérité est un principe surévalué. Elle est rarement, voire jamais, l’option la meilleure. Doit-on dire ses quatre vérités à chaque personne que l’on croise ? Peut-on dire à un enfant de 4 ans que le Père Noël n’existe pas ? Est-il nécessaire de dire à la mère d’un bébé moche que son bébé est moche ? Quand on se sait dépressif, faut-il y sombrer par lucidité ou feindre de se croire plus fort que ça ? Non, non, oui mais bourré, et non. La philosophie aussi m’amène à l’introspection, et ça, c’est vraiment pas beau à voir.

Je vais au ciné-club de mon lycée cette année. La semaine dernière, on a passé un film de Tavernier, L’Horloger de Saint-Paul. Je ne pensais pas au début, mais j’ai beaucoup aimé. C’est l’histoire d’un bonhomme, le prototype du Monsieur Tout-le-monde, qui apprend que son fils a tué un type pour, on l’apprend en cours, sa nana. Un récit sur le deuil, donc. Vraiment très beau. Surtout une scène, à la toute fin du film, où l’on voit le père seul à l’église, fixant l’horloge, comme pour retrouver une certaine quiétude d’esprit, une manière de faire son deuil. Ca m’a touché parce que j’ai compris à ce moment-là pourquoi je me sentais tellement déprimé depuis la rentrée. Je me suis rendu compte que je n’ai jamais terminé mon deuil. On se focalise surtout sur le moment de la rupture, mais finalement c’est rien, c’est court, c’est indolore. La douleur, elle vient après. Et putain, quand elle est là, elle vous lâche pas, c’est une sacrée morfale. Je pensais qu’en y pensant plus, la douleur s’en irait. Mais non. Le deuil est un processus actif, on ne peut pas en être qu’un simple spectateur. Dont acte : à partir d'aujourd'hui, je vais aller bien, je vais reprendre mon existence en main. Ou non, demain, oui demain ce sera mieux. Quoique, je serais peut-être un peu patraque demain, je me lève tôt et faut que… Non, oui après-demain, après-demain tout ira bien. Sauf que… Et merde.