dimanche 2 septembre 2007

Piste 11 : "Yellow" par Coldplay

Ca fait pas mal de temps déjà que je tourne et retourne cette affaire dans ma tête, jusqu’à en avoir la nausée. Aux mots, aux expressions que j’emploierai, à l’image qui ressortira d’elle, à l’allure que voudra bien prendre ma prose… Des idioties de ce genre, vous voyez. Le truc, c’est que j’attendais le bon moment pour l’écrire. Et hier soir, ça m’a frappé : ce moment que j’attendais avec impatience, ce moment n’arriverait jamais. Un sacré coup de massue sur la tête, vous pouvez pas imaginez. Vraiment. Réaliser ça, que je ne serais jamais en mesure de retranscrire cet épisode avec toute la justesse et la sincérité de ton qu’il aurait fallu… Bon dieu… C’mon, qu’elle disait tout le temps, it’s only a cliff !...

Vers la fin de l’année de 5e. Il faisait atrocement chaud dans cet appart’, ça je m’en souviens. Et de l’alcool, ça aussi je m’en souviens. D’ailleurs, ça devait être l’une des toutes premières fois que j’en buvais. Elle non, elle me l’a dit plus tard, mais en y repensant, je croyais vraiment que c’était son dépucelage à elle aussi. Elle parlait et puis elle rigolait et puis elle parlait et parlait… Personne ne comprenait rien à ce qu’elle disait, mais on la laissait parler quand même, elle et son minable petit accent. Faut dire que je l’aimais pas trop, cette fille : toujours là à s’excuser, à demander pardon, à poser des questions, à être polie… Merde, qu’est-ce qu’elle pouvait être polie ! Moi, ça me rendait dingue. J’avais l’impression qu’elle se foutait de notre gueule, à tous. Royalement. Et puis putain, c’était quoi cette connerie de toujours me répéter son prénom à chaque fois qu’elle m’adressait la parole ? Alors, que ça devait faire plus de 2 semaines qu’on se croisait quasiment tous les jours. 'Hi, I’m Allyson, but you can call me Ally… I mean, it’s really up to you…' Tu parles d’une gourdasse. Elle me prenait vraiment pour le roi des cons, que je me disais.

Bon, retour à la soirée. Pff, tu parles d’une soirée… A la base, ça devait être une boum, genre soirée dansante, quoi ; jusque-là, 3 personnes ont osé s’aventurer sur la "piste de danse". Moi et mes amis, on était de ceux qui restaient là, affalés sur les sofas, une bière à la main, en train de rire et des danseurs et de ces attardés jouant à la bouteille en face. Cette Allyson, elle était assise avec nous, ou plutôt à côté de sa correspondante française qui, elle, était véritablement des nôtres. Bon, heureusement pour moi, elles s’étaient posées sur le canapé d’à côté ; ça m’épargnait le supplice d’avoir à supporter les manières de la britonne.

Et les slows arrivent. Nass’, ma meilleure amie de l’époque, et accessoirement la correspondante de cette fille, vient vers moi et me lance :
'Hé, fais-moi plaisir : tu veux pas aller danser deux secondes avec Allyson ?'
'Ton amie rosbif, là ? Pff, allez, arrête ! Trop aps mon style de nana… Passe mon tour.'
'Ah ouais ? Si c’est tellement pas ton style, pourquoi que tu fais que la dévisager depuis le début de la soirée, hein ?'
'Mais trop pas ! Allez, j’l’ai juste regardée vite fait, comme tout le monde, quoi ! C’est pas comme si on en voyait tous les jours, des nanas écossaises, par ici !'
'Elle est galloise, bouffon… Putain, fais pas ton relou, va danser avec elle, sérieux ! Si t’as pas grillé encore, y a l’autre trou d’balle de Thibault qui lui bave dessus depuis un bon quart d’heure, là…'
Effectivement, ce trou d’balle de Thibault était bien à la fête. Il était en train de lui parler. Et elle, elle riait. Yeah, well… he was actually being really funny.
'Bon, okay, okay… Mais, te fais pas de films, c’est juste pour la sauver de ce gros con que j’vais voir ta copine. Pigé ?'
'Bien sûr', me dit-elle avec une banane comme ça.
C’est vrai que j’aurais été bien plus convaincant si j’avais pas dit ça tout en fusillant du regard ce trou d’balle de Thibault.
Sourire. 'Hé, Allyson… euh… Do you dance with me ?' Sourire. 'Yes. Yes, of course. Yeah.' Sourires. Je lui tends la main. Je tremble comme pas possible. Yeah, I noticed that… Juste au moment où elle se lève, la chanson s’arrête. You’re gonna laugh, but when the music stopped, I saw myself on top of the stairs… You know, like Ross… On the prom video. C’est les joueurs de bouteille qui ont coupé le son. Ils changent de disque. 'Voilà, ça, c’est de la musique !' "Yellow". Putain… Je supporte pas cette chanson. Je me retourne. Par contre, elle, on dirait que ça lui plaît bien. Well, I wasn’t a fan really, but I saw you hesitating… Bon. Allons-y dans ce cas… Je sens son regard. Moi, je regarde tout droit. Hors de question de tourner la tête. You should have seen yourself ! You looked really silly. C’est vrai que j’avais l’air bien con.

Fin de la chanson. Je suis tétanisé. Sourire. Grimace. Que j’espère être suffisamment proche du sourire. Retour sur le canapé. Avec elle. I wanted my kiss. En chemin, mes zygomatiques refont leur retour. Mais mon cerveau, lui, s’est fait la malle. J'enchaîne donc pendant une bonne dizaine de minutes âneries sur âneries, en espérant ne lui faire voir que du feu. Elle me laisse m’enfoncer. You spoke fast, and my french wasn’t that good yet, so, you know, I nodded at everything you were saying… But enough was enough. 'I’m sure you can be funny when you want to.' Ouah. Avec la sourire qui va avec en plus… Franchement, c’était vache. Mais, ça m’a fait rire. J’ai compris à ce moment-là, je crois. Well, I guess that my timing was perfect then.

Sourire. Sourire.

J’ai bien embrassé au fait ? Uh… I was the first, right ?… Merci, ça fait toujours plaisir. It was perfect, though… Ah oui ? Et pourquoi ça ? Because.