jeudi 16 août 2007

Piste 06 : "Birthday" par les Sugarcubes

J’ai une confession à faire. Il s'agit de quelque chose de vraiment très humiliant, et qui bouleversera probablement à jamais l’image que mes proches ont toujours eu de moi : lorsque j’écoute une chanson, je n’écoute pas les paroles.

Si, c’est grave. N’osez même pas penser le contraire.

Mais un tel écart peut s'expliquer. Pour la plupart des chansons (et, il faut le dire, souvent anglo-saxonnes), c’est sans importance, les paroles y étant ce qu'elles sont, c'est-à-dire dignes des écrits d’une jeune adolescente en manque d’amour et d’eau fraîche. Faites le test : il est plus que probable que, parmi vos pop-songs favorites, il y en aura au moins une qui vous fera rougir de honte, dès lors que vous aurez jeté un œil à ses lyrics.

"Drive My Car" est un vrai petit bijou de pop, terriblement efficace, accessible même aux oreilles les plus déficientes. Sans gras et sans sucre, et néanmoins prodigieusement délicieux. Ce diamant à la forme parfaite renferme pourtant un défaut, mineur mais pouvant porter à préjudice :

"Baby you can drive my car
Yes I'm gonna be a star
Baby you can drive my car
And maybe I love you"

Malgré ça, on adore la chanson, et rien ne pourra nous empêcher de beugler le refrain en chœur la prochaine fois qu’on l’entendra. Pire, on prendra un plaisir certain à hurler à Bébé de conduire notre voiture et que, oui, nous serons une star. Alors, quoi, la mélodie vaut-elle mieux que le sens ? Oh que oui, cent mille fois oui. Les plus dogmatiques trouveront matière à protester, mais le fait est là : nous tombons beaucoup plus souvent amoureux d’une mélodie ou d’une voix plutôt que des paroles.


Je suis un fan transi de Björk. Elle représente à mes yeux tout ce que la modernité musicale peut faire de plus novateur et transcendant dans la pop-music. Oui, Radiohead est tout aussi fondamental, a en Thom Yorke un des personnages des plus fascinants du rock contemporain, et OK Computer et The Bends et Kid A sont des disques géniaux… Oui, mais… Oui, mais rien du tout. Je n’ai aucune raison rationnelle de préférer Björk aux gars d’Oxford. Qu’est-ce qui fait dans ce cas la différence à mes yeux entre eux ? Eh bien ma façon à moi de percevoir la musique : "Birthday", single des Sugarcubes dont Björk était la chanteuse, est, musicalement parlant, ce que je pourrais très bien qualifier de tuerie. C’est un point de vue très subjectif (vous pouvez ne pas aimer la chanson bien sûr : si tel est le cas, je vous conseillerai simplement d’ôter le cérumen qui bloque vos conduits auditifs) et chacun est libre de qualifier la chanson comme bon lui semble ; mais pour moi c’est une tuerie. J’adore cette chanson, j’ai dû l’écouter une bonne centaine de fois : je n’en connais pas les paroles pour autant. Bien sûr, j’ai saisi quelques mots qui me donnent un petit aperçu de l’histoire : "She’s five years old", "she’s painting huge books and glues them together", "today is her birthday", "they’re smoking cigars"… Bref, rien d’extraordinaire. Ce qui la sort définitivement du lot, c’est ce qu’en fait le formidable instrument musical qu’est la voix de Björk : à la fois puissante et réconfortante, intense et naïve, son interprétation transforme à elle seule une mélodie rêveuse en un songe féérique à la beauté crépusculaire.

L’âme de cette chanson ne réside pas dans les paroles qui y ont été posées, et ce ne sont pas elles qui sont à l’origine de mon coup de foudre. Néanmoins, j’attends toujours avec excitation les "she’s painting huge booooooks" et "they’re smoking… cigaaaars". Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais ça n’empêchera pas de les guetter à la prochaine écoute. Elles sont en quelque sorte la mini-cerise posée sur la cerise de taille normale qui est elle-même posée sur le gâteau qu’est "Birthday"…